INTERVIEW : Komlan Sangbana, Secrétariat de la Convention sur l’eau, CEE-ONU
Quelle est l’importance du Forum de Dakar pour votre organisation
Le Sénégal fait partie des premiers pays africains à avoir rejoint le cadre de la Convention sur l’eau en 2018, suite à son ouverture mondiale en 2016. L’engagement de la CEE-ONU s’inscrit dans l’appui que l’organisation apporte à l’Etat du Sénégal dans ses efforts pour promouvoir la gestion durable et pacifique des ressources en eau, notamment par le biais de la coopération transfrontalière.
La coopération transfrontière dans le domaine de l'eau est vitale pour la paix et la sécurité, le développement durable, l’intégration économique, la réduction de la pauvreté, et la croissance économique. Or, une majorité de bassins n'est pas encore couverte par un arrangement opérationnel pour la coopération dans le domaine de l'eau. Par l’exemple, l'exercice de suivi 2020 de l'ODD 6.5.2, conduit conjointement par la CEE-ONU et l’UNESCO en tant qu’agence co-responsables au niveau global, et auquel ont participé 129 des 153 pays partageant des eaux transfrontalières, montre que seuls 24 de ces pays ont tous leurs bassins transfrontaliers couverts par des arrangements opérationnels.
Atteindre l'objectif d'avoir tous les bassins transfrontaliers couverts par des arrangements opérationnels d'ici 2030 nécessite donc des efforts supplémentaires. Le Forum de Dakar offre donc l’opportunité de mobiliser tous les acteurs concernés afin d’accélérer les actions pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans le domaine de la gestion intégrée des ressources en eau, en particulier dans le domaine de la coopération transfrontière.
Quelles sont vos impressions sur les groups de travail, les résultats de la première phase et quells sont les prochaines étapes ?
La CEE-ONU, en tant qu’agence des Nations Unies, est activement engagée dans les préparatifs du Forum. Le Secrétariat exécutif du 9e Forum mondial de l’eau et la CEE-ONU ont notamment signé un Protocole d’entente en vue de la préparation du Forum. Dans le cadre de ce protocole, la CEE-ONU, à travers le secrétariat de la Convention sur l’eau, appuie le Secrétariat exécutif dans l’organisation du Forum en tant que partenaire stratégique pour la priorité « coopération », qui constitue l’une des quatre priorités retenues par les organisateurs du Forum.
La CEE-ONU anime conjointement avec plusieurs autres partenaires stratégiques tels l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, et le Réseau international des organismes de bassin, le processus préparatoire en lien avec la priorité coopération, à travers l’organisation de réunions étapes en Afrique ou encore la mise à disposition de cadre d’échanges en marge de ces ateliers globaux et régionaux. A ce titre, nous sommes membres du Groupe Pilote sur la coopération, et coordonnons le Groupe d’action 3.B « Mettre en œuvre une coopération transfrontalière pour favoriser la paix et prévenir les conflits ».
A ce jour les résultats sont satisfaisants et dénotent d’un intérêt certain des parties prenantes engagés sur la thématique de la coopération transfrontière. Dans le cadre du Groupe d’action 3.B que nous coordonnons, ensemble avec les membres de ce groupe, nous avons identifié trois actions concrètes pour répondre aux objectifs du groupe à savoir :
ACTION 1: Prévenir les conflits en facilitant le dialogue et la coopération sur les ressources en eau transfrontières ;
ACTION 2: Promouvoir la gouvernance transfrontalière en renforçant les capacités et en mettant en place des institutions résilientes pour une gestion pacifique des ressources en eau ;
ACTION 3: Promouvoir les connaissances et les outils pour la collaboration et le partage des bénéfices sur les ressources en eau transfrontières.
Plus d’une trentaine de projets ont été proposés aussi bien par les membres du groupe d’action que par les participants au processus consultatif pour répondre aux enjeux identifiés par ces trois actions. Actuellement le processus de validation suit son cours, notre Groupe d’action 3B a soumis au Groupe Pilote, sa liste de projets ainsi qu’une ébauche de messages politiques sur la base des propositions reçues. Une fois les propositions définitivement validées, nous allons nous atteler principalement à l’organisation des sessions relatives aux sessions identifiées au cours du Forum.
Comment pensez vous que le Forum va contribuer à l’amélioration de l’accés à l’eau et à l’assainissement ?
Le Forum de Dakar offre une opportunité unique de faire avancer l’agenda des objectifs de développement durable notamment de sa cible 6.5, avec l’appui de tous les acteurs concernés. La pandémie du COVID-19 a rappelé les liens entre la coopération dans le domaine de l'eau et la santé, tout en offrant l'occasion de s'assurer que la reprise après la COVID tire parti du rôle de catalyseur que la coopération transfrontalière dans le domaine de l'eau peut jouer pour faire progresser les ODD.
Le Forum donne ainsi la possibilité de renforcer considérablement les efforts déployés pour promouvoir la coopération transfrontière pour plus de paix et un meilleur développement. Par exemple, la promotion de l’adhésion aux conventions globales de l’ONU, y compris la Convention sur l’eau pour soutenir l’application du droit international de l’eau au niveau universel constitue un aspect important.
Le Forum de Dakar contribue à soutenir activement le plaidoyer en faveur de l’adhésion à ces Conventions mondiales de l’ONU sur l'eau en Afrique et dans le monde. Plusieurs initiatives dans le cadre du Forum touchent également au développement des accords de bassin et la mise en place de mécanismes institutionnels opérationnels. Le Forum offre à cet égard une plateforme encourageant les échanges d'expériences pertinentes dans le monde sur ce sujet, y compris celles de l’OMVS et de l’OMVG qui constitue des succès majeurs. Il contribuera également à fournir des solutions ainsi que des outils, sur des aspects aussi variés que l’adaptation au changement climatique, le financement de la coopération, l’échange et l’accès aux données, pour accélérer le développement des arrangements résilients et opérationnels pour une gestion quantitative et qualitative durable des ressources en eau transfrontières.
A propos de Komlan Sangbana
Komlan Sangbana, de nationalité togolaise est chargé des Affaires juridiques au Secrétariat de la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (ci-après Convention sur l’eau), abrité par la CEE-ONU. Il coordonne notamment le programme d’ouverture mondiale de la Convention, notamment pour la région Afrique (Afrique centrale et de l’ouest) et sur le plan thématique responsable du sous-programme sur le développement des accords de bassins transfrontières.
Etablie en 1947, La Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) est l’une des cinq commissions régionales de l’Organisation des Nations Unies. Elle fait partie du secrétariat de l’ONU et relève du Conseil économique et social (ECOSOC). La CEE-ONU rassemble 56 pays répartis entre les continents de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Asie (y compris l’Asie centrale).